Il n’y a pas beaucoup d’endroits au monde où l’on peut dormir dans un phare. Dans la liste des hébergements originaux, les randonneurs en Corse peuvent choisir de passer une nuit insolite au phare de Senetosa. Une expérience authentique le temps d’une soirée avec une vue imprenable sur la mer, une tranquillité assurée et surtout des souvenirs mémorables.
Comme souvent en Corse, c’est au bout d’une piste que commence le sentier du littoral qui va me renvoyer sur le terrain de jeu de mon enfance. Une petite dizaine d’heure de marche c’est ce qu’il faut, en moyenne et en prenant le temps de profiter du paysage, pour parcourir les 21 km de cote qui sépare Campomoro de Tizzano. 21 km le long desquelles l’empreinte de l’homme semble n’être qu’un vestige du passé. La sente, les tables d’orientations et de vieux murets effondrés sont les seuls indices d’une présence humaine à l’exception notable du phare de Senetosa.
Cette édifice de la fin du 19ème siècle se situe à environ 2h30 de marche de mon point de départ et va marquer l’unique halte de mon excursion. En effet depuis 2015, et sous la houlette du conservatoire du littoral et du syndicat Elisa, le phare a fait peau neuve et est devenu un incontournable gite d’étape.
Mon départ se fait sur les chapeaux de roues, ma foulée est longue et régulière j’ai pour ambition de gagner une demie heure sur le temps prévu. C’est sans compter sur le cadre hypnotique qui se présente à moi. Tous les cents mètres un élément du décore me laisse pantois et m’impose de cesser mes efforts pour plonger dans la contemplation d’un site que je connais bien et qui pourtant continue de me subjuguer.
Ce n’est finalement qu’au bout de trois heures et quinze minutes et après une baignade rafraichissante dans une eau cristalline que j’atteins enfin le sommet du promontoire rocheux sur lequel le phare domine une cote torturé par les assauts, d’une méditerranée à la fois hostile et accueillante.
Telle une oasis au milieu du désert le phare semble avoir attiré toutes les âmes errantes qui sillonnaient la côte sauvage. Et après les quelques minutes indispensables de recueillement face à la magnificence du site je me rends dans la salle commune.
L’ambiance de franche camaraderie qui règne ici s’explique de prime abord par le fait qu’un groupe important de randonneurs semble être les seuls occupants du gite ils sont tous attablés ensemble et trinquent gaiement en évoquant les anecdotes fleuries qui ont émaillées leur déambulation côtière. Mon entrée ne passe pas inaperçue et les têtes se tournent pour observer l’intrus.
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Aussitôt un colosse à la barbe de quelques jours et à la carrure intimidante, se lève de table un sourire amical aux lèvres. Il s’agit de Stéphane responsable du syndicat Elisa et occasionnellement gardien du phare.
Ainsi je m’aperçois qu’en réalité je suis face à plusieurs groupes distincts qui se sont réunis autourde notre hôte pour n’en former plus qu’un.
Une bière bien fraiche après, Stéphane m’entraine vers ce qui sera ma chambre pour la nuit. Un bref tour du propriétaire et je profite de ma solitude pour m’offrir un fugace moment d’extase quand enfin je libère mes pieds de mes pesantes chaussures de marche. Il est temps de rejoindre mes amis d’un jour qui m’ont généreusement proposé leur compagnie pour le diner. Fromages vins et charcuteries chacun partage ses maigres rations et c’est rassasiés et légèrement grisés que nous achevons notre repas.
Nous sommes au mois de juin et le soleil fainéant rechigne à sombrer derrière la ligne d’horizon, et après une journée entière à darder sur nous ses rayons mordants le voilà devenu cajoleur. Il nous enlace dans une tiède torpeur et comme dans un ultime effort, nous éblouit d’un panorama irréel avant de s’abimer au cœur d’une mer d’huile.
C’est un véritable privilège d’être ici au bout du monde et même le confort spartiate de la chambre n’entame pas le sentiment de « luxe, calme et volupté »qui émane de cet endroit. L’hostilité du site côtoie l’hospitalité de son gardien, l’ardeur des journées fait face la douceur des nuits, la roche acérée est caressée par la douceur des vagues, ici comme sur l’ile en général le paradoxe est loi.
La construction du phare de Senetosa prend place dans un cadre historique bien particulier. Retrouvez son histoire insolite dans un autre article.